Avant les cosmétiques pour le visage, L’Oréal était connu comme une formule de coloration des cheveux mise au point par le chimiste français Eugène Schueller en 1907. Elle était alors connue sous le nom d' »Auréole ». Schueller formule et fabrique ses propres produits qui sont vendus aux coiffeurs parisiens. Ce n’est qu’en 1909 que Schueller enregistre sa société sous le nom de « Société Française de Teintures Inoffensives pour Cheveux », la future L’Oréal. Scheuller commence à exporter ses produits, qui se limitent alors à la coloration des cheveux. En 1920, l’entreprise emploie trois chimistes. En 1950, les équipes de recherche sont passées à 100 et ont atteint 1 000 en 1984.
Aujourd’hui, les équipes de recherche sont au nombre de 2 000 et l’on s’attend à ce qu’elles augmentent encore dans un avenir proche. Par l’intermédiaire d’agents et de consignations, Scheuller a distribué ses produits aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Russie et en Extrême-Orient. Le groupe L’Oréal est présent dans le monde entier par l’intermédiaire de ses filiales et de ses agents.
L’Oréal a commencé à étendre ses produits de coloration capillaire à d’autres produits de nettoyage et de beauté. Aujourd’hui, le groupe L’Oréal commercialise plus de 500 marques et plus de 2 000 produits dans les différents secteurs de la beauté. Il s’agit notamment de colorations, de permanentes, d’aides à la coiffure, de soins du corps et de la peau, de nettoyants et de parfums. En effet, le groupe L’Oréal a atteint l’apogée que toutes les marques de cosmétiques recherchent.
L’Oréal s’est engagé dans de nombreuses formes de segmentation du marché dans son entreprise en Inde, avec différentes variables au cours de différentes périodes. Nous examinerons tout d’abord les méthodes de segmentation utilisées par L’Oréal lors de son entrée sur le marché en 1991, puis ce qui s’est passé après son remaniement.
Quand il est entré sur le marché
Segmentation par sexe :
L’Oréal a d’abord segmenté la population en fonction des sexes, car elle pensait que la « combinaison de prix bas et d’ingrédients naturels conviendrait au marché indien, où les femmes utilisent des plantes et des herbes dans le cadre de leur culture de la beauté ». Leur produit s’adressait spécifiquement aux femmes indiennes, bien que notre groupe discute plus tard de la manière dont il devrait se tailler un marché de niche dans le secteur des hommes également.
Segmentation des revenus :
L’Oréal a segmenté le marché en deux segments principaux : les masses les plus pauvres et les autres. Elle a commercialisé son produit à bas prix pour attirer les masses les plus pauvres, et ses efforts pour réduire les ingrédients afin de diminuer les prix révèlent son objectif de minimiser les coûts autant que possible. À ce stade, elle ne visait pas encore la classe moyenne aisée ou la classe supérieure et n’a donc pas fait de segmentation distincte des classes plus riches, préférant les considérer comme une entité à part entière.
La « métamorphose de L’Oréal »
Après un mauvais départ, L’Oréal a abordé le marché avec un concept différent. La présence de marques nationales posait des problèmes car elles avaient déjà conquis une grande partie de la part de marché des masses. Elles proposaient des produits moins chers que L’Oréal n’était pas en mesure d’égaler, et leur longue présence avait créé un fort sentiment de loyauté chez les acheteurs, ce qui rendait difficile de les en détourner. Consciente de la nécessité de conquérir un marché différent, L’Oréal a procédé à une autre forme de segmentation afin de mieux identifier ses segments cibles.
Segmentation par le revenu :
Cette fois, L’Oréal a séparé un nouveau segment des deux segments d’origine : la classe moyenne en rapide expansion qui gagnait en richesse. Il s’agit d’un segment très spécifique par rapport aux deux grands segments initiaux, car il s’agit de la classe de revenus qui connaît la croissance la plus rapide et qui représente un potentiel de marché très inexploité en raison de sa mentalité radicalement différente de celle de la masse.
Segmentation psychographique :
L’Oréal a segmenté l’Inde en différents groupes en fonction de leur mode de pensée et de leur comportement : les Indiens plus âgés et plus conservateurs, qui défendent plus fermement et obstinément des valeurs d’économie, et la jeune génération, plus influençable, qui a développé une vision très différente et occidentalisée des dépenses et de la culture. L’arrivée de marques comme Tommy Hilfiger, Benetton et même MTV en 1991 a fortement mis l’accent sur les valeurs occidentales de luxe, de beauté et de conscience de soi, ce qui a conduit à l’émergence d’un nouveau segment de personnes qui ne considéraient pas l’économie avec la même importance que leurs prédécesseurs, mais qui étaient au contraire plus disposées à s’offrir des produits de luxe qui étaient auparavant considérés comme trop chers et comme du gaspillage.
Segmentation par âge :
En segmentant le marché entre la classe moyenne jeune et les Indiens plus conservateurs, souvent plus âgés, l’entreprise a aussi inévitablement segmenté le marché en fonction de l’âge et a montré un intérêt accru pour la conquête de la part de marché des Indiens les plus jeunes.
Segmentation des bénéfices :
L’Oréal a encore segmenté le marché sur la base des bénéfices lorsqu’elle a lancé Excellence Creme. Sous forme de crème, elle [était plus douce pour les cheveux] que les ingrédients naturels tels que l’ammoniaque qui abîmait et asséchait les cheveux des femmes. L’entreprise a donc segmenté le marché entre les personnes qui avaient besoin des avantages de la crème Excellence en matière de coloration et de renforcement des cheveux et celles qui n’en avaient pas besoin. Il s’agissait d’une forme de segmentation cruciale pour L’Oréal, car elle soulignait le concept central de sa stratégie de marketing consistant à promettre aux consommateurs des produits de qualité supérieure offrant des avantages supplémentaires lorsqu’ils choisissent entre L’Oréal et des marques locales, ce qui a conduit à l’immense succès que L’Oréal a connu en Inde.
L’Oréal a utilisé diverses variables pour identifier les segments qu’elle souhaite cibler et s’est également engagée à utiliser des bases de segmentation multiples (âge, revenu, données psychographiques et avantages) pour compléter son approche de marketing différencié. Cela lui permet d’identifier efficacement plusieurs segments différenciés et de concevoir des offres distinctes pour chacun d’entre eux, ce qui se traduit par des ventes plus importantes et une position plus forte au sein de chaque segment de marché. Dans la section suivante, nous examinons les segments ciblés et les stratégies employées par L’Oréal pour les segments nouvellement identifiés.
Ciblage et positionnement des produits L’Oréal
L’Oréal cible désormais les jeunes femmes aisées de la classe moyenne, en particulier celles qui ont les cheveux grisonnants, et s’efforce également de cibler les masses. L’entreprise a compris la nécessité de cibler ce nouveau marché inexploité pour en tirer un maximum de profits, car il possède non seulement le pouvoir d’achat dont les masses sont dépourvues, mais surtout une mentalité modernisée qui rend ces personnes plus réceptives à l’achat des produits plus luxueux et plus chers de L’Oréal. Tout en conservant leurs valeurs fondamentales d’économie, [les jeunes de la classe moyenne étaient plus enclins à dépenser pour des produits de luxe et constituaient le cœur de la transformation des dépenses de consommation en Inde].
L’Oréal a également ciblé les femmes qui cherchaient à tirer profit de l’utilisation de ses produits. Étant donné qu’il n’existait auparavant aucun produit permettant de résoudre les problèmes de grisonnement des cheveux des femmes, L’Oréal a lancé Excellence : Creme qui promettait des avantages supplémentaires en plus de la simple coloration des cheveux. Elle n’abîme pas les cheveux comme le henné ou l’ammoniaque et promet même de les renforcer. Les jeunes de la classe moyenne s’inscrivent parfaitement dans ce segment car, contrairement à leurs aînées, qui ne voyaient pas d’inconvénient à utiliser des produits qui abîmaient leurs cheveux tant qu’ils étaient bon marché en raison de problèmes monétaires, ces femmes étaient plus éduquées et plus soucieuses de la nécessité d’avoir de beaux cheveux en bonne santé, et disposaient d’un pouvoir d’achat plus important pour ce faire. Les produits nocifs bon marché ne les attiraient pas autant que les produits L’Oréal de haute qualité qui justifiaient leur prix plus élevé par des avantages plus importants.
L’Oréal n’a toutefois pas renoncé à cibler les masses à faibles revenus. La demande de produits de première nécessité est de plus en plus alimentée par le secteur rural plutôt que par le secteur urbain et, en 2008, seuls 29 % des Indiens vivaient dans des zones urbaines. L’entreprise a donc introduit de nouveaux produits comme les « Colour Naturals », qui peuvent être utilisés plusieurs fois et ne coûtent que 3,10 dollars, ce qui se traduit par une valeur ajoutée pour les masses. Bien que difficile à conquérir, la part de marché des masses représente une proportion trop importante de la part de marché totale pour être ignorée, et L’Oréal s’efforce de conquérir leur part de marché, ce qui l’incite à introduire des produits dans ce secteur du marché.
La « Crème Excellence » a été commercialisée comme un « achat de luxe » et un produit de « niche haut de gamme », se positionnant comme un produit de meilleure qualité, composé d’ingrédients très élaborés et offrant des avantages supplémentaires. Ce produit, l’un des plus innovants et des plus chers d’Europe à l’époque, était également plus doux pour les cheveux que les produits locaux tels que le henné ou l’ammoniaque.
L’Oréal a engagé Mme World dans une publicité pour montrer que les belles femmes utilisent L’Oréal, se positionnant ainsi non pas comme un simple shampooing, mais comme un produit qui rend les femmes belles. Cette promesse de beauté et de bienfaits a permis à L’Oréal de se positionner plus haut sur le marché par rapport aux marques locales qui se sont positionnées comme des produits bon marché, d’un bon rapport qualité-prix, qui ne remplissaient que la fonction la plus élémentaire de nettoyage des cheveux.
En ce qui concerne la différence entre L’Oréal et les autres marques, elle utilise un concept de marketing « plus pour plus », alors que les marques maison utilisaient un concept « moins pour moins ». Les marques maison ont cherché à vendre les shampooings les plus basiques avec les ingrédients de la plus basse qualité afin d’offrir les prix les plus bas, tandis que L’Oréal a justifié ses prix élevés en utilisant des ingrédients de haute qualité. Alors que les marques maison utilisaient ce concept pour attirer les masses à faible revenu qui n’avaient besoin que du strict nécessaire, la stratégie de L’Oréal visait les personnes plus aisées, plus éduquées et disposant d’un revenu disponible plus important pour s’offrir des articles de luxe s’ils justifiaient leur prix.
Il y a également une différence dans la manière dont les deux marques s’efforcent de fidéliser leurs clients. Les marques de produits ménagers visaient à fidéliser les utilisateurs existants grâce à la familiarité de la marque, dont l’utilisation répétée par des générations d’Indiens susciterait un sentiment de confiance et de fiabilité. Elles attiraient ainsi les ménagères économes qui voulaient les produits les moins chers, ce qui se traduisait par une fidélité et des profits substantiels lorsque leurs enfants grandissaient et continuaient eux aussi à utiliser les mêmes marques.
L’Oréal, en revanche, ne pouvait pas et n’a pas essayé d’établir la familiarité avec la marque en si peu de temps, étant donné qu’elle était très nouvelle sur le marché. Elle a donc tenté de fidéliser un nouveau segment du marché en promettant des produits de meilleure qualité à la classe moyenne montante, espérant qu’elle se rendrait compte que le prix plus élevé et la meilleure qualité de L’Oréal justifiaient l’abandon des marques nationales au profit d’une nouvelle fidélité à L’Oréal.
Enfin, dans sa tentative de revenir sur le marché des personnes à faibles revenus, L’Oréal se distingue des marques maison en offrant une bonne qualité à des prix inférieurs, au lieu de proposer des prix et une qualité inférieurs. Tout en restant plus cher que les marques maison, il est considérablement moins cher que ses propres produits haut de gamme, tout en conservant une grande partie de sa qualité. Cela se traduit par une plus grande valeur pour les masses qui pourraient passer à L’Oréal lorsqu’elles se rendent compte que le shampooing de meilleure qualité est offert à des prix similaires à ceux des marques nationales.
Les enjeux de L’Oréal en matière de développement durable
En 2012, dans le cadre des consultations organisées lors de la conception du programme Sharing Beauty With All, L’Oréal avait élaboré une première matrice de matérialité.
Cette démarche avait permis au Groupe d’affiner son appréhension des enjeux de développement durable importants aux yeux de ses parties prenantes internes et externes, pour les confronter avec sa propre stratégie.
En 2016, L’Oréal a mis à jour sa matrice de matérialité, suivant une méthodologie alignée sur les critères de la norme ISO 26000*. Parmi les 25 sujets recensés, cette nouvelle matrice fait notamment ressortir dix enjeux qui sont parmi les plus stratégiques à la fois pour le Groupe et pour ses parties prenantes.
La responsabilité sociale joue-t-elle un rôle dans la stratégie marketing de L’Oréal en Inde ?
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) joue un rôle important dans la rentabilité de nombreuses sociétés, en décrivant la relation entre les entreprises et la société qui les entoure. Elle peut également redéfinir le rôle et les obligations de l’entreprise privée au sein de cette société si cela est jugé nécessaire. Lorsque L’Oréal a fait son entrée en Inde, l’éducation à la beauté était absente, la formation semblait superflue et les coiffeurs étaient satisfaits des marques locales bon marché.
L’Oréal s’est rendu compte que ses opérations commerciales concernaient dans ce cas un groupe plus large qu’elle-même si elle souhaitait augmenter ses profits. La RSE de L’Oréal a donc commencé à être guidée par la nécessité d’inclure des préoccupations sociales dans ses décisions et opérations commerciales, et elle s’est concentrée sur l’amélioration de sa réputation en tant que leader de l’industrie de la beauté au sein de la classe moyenne urbaine indienne. Depuis lors, l’entreprise envisage de se différencier du reste de ses concurrents et investit massivement dans l’éducation et la formation afin de renforcer son statut au sein de la communauté.
Les initiatives sociales de L’Oréal peuvent être reliées à trois domaines clés : L’éducation, les femmes et la science. En collaboration avec Aide et Action, une organisation non gouvernementale dont l’objectif est de promouvoir l’accès à l’éducation dans les zones rurales, L’Oréal Inde a lancé le 7 juillet 2009 le programme « Beautiful Beginnings », une initiative qui vise à former chaque année au moins 200 jeunes filles défavorisées ayant abandonné l’école afin de les rendre employables.
Le programme a même été inauguré par l’actrice Aishwarya Rai, une artiste féminine influente et populaire de Bollywood. Son parrainage a permis aux masses d’identifier L’Oréal plus étroitement à la communauté indienne, et nous pensons que cela a eu des effets considérables sur la façon dont les masses perçoivent L’Oréal comme une marque socialement responsable et fiable. L’initiative a été couronnée de succès : plus de 200 étudiants ont obtenu leur diplôme en l’espace d’un an, et certains d’entre eux ont même été embauchés par L’Oréal.
En janvier 2009, L’Oréal, en collaboration avec le Nehru Science Centre (NSC), a organisé une exposition intitulée « Decoding the Hair » à Mumbai. Cette exposition, la première du genre en Inde, présentait des sculptures agrandies de mèches de cheveux ainsi que d’autres jeux et activités en rapport avec les soins et les produits capillaires. En s’installant dans un lieu d’exposition réputé comme le NSC et en s’adressant aux écoles, aux universités et au secteur des entreprises, L’Oréal est en mesure de se positionner en Inde comme un « véritable expert en matière de soins capillaires », en mettant l’accent sur la recherche et le développement scientifiques.
En 1998, L’Oréal Inde a lancé le programme « For Young Women in Science Scholarships », qui attribue chaque année 250 000 roupies à cinq jeunes filles estimées de l’État de Maharashtra, afin qu’elles poursuivent leurs études dans un établissement d’enseignement supérieur ou une université reconnus en Inde. En parrainant ces jeunes femmes et leurs espoirs pour l’avenir, le programme peut accroître le rôle des femmes travaillant dans les disciplines scientifiques, en leur donnant les moyens d’acquérir des connaissances.
En permettant aux femmes d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances, il est possible d’accroître leur participation au marché du travail, ce qui permet d’augmenter leur revenu disponible et leur indépendance financière. Cela se traduit par un plus grand nombre de femmes de la classe moyenne urbaine ayant un pouvoir d’achat pour les produits de L’Oréal et donc par une augmentation des bénéfices. Plus important encore, grâce à ces initiatives, L’Oréal se met en évidence en faisant preuve d’un véritable sens des responsabilités grâce à ses contributions à la communauté. En fin de compte, cela renforce sa réputation, son image et sa fiabilité, non seulement auprès de la classe moyenne urbaine féminine ciblée, mais aussi dans le reste de l’Inde et même dans le monde entier.